Rétrospective de l’exposition “Île – Le mutisme est notre langage commun”
50 artistes asiatiques de la nouvelle génération ont exposé à la Galerie du Génie de Bastille et l’Espace Sorbonne 4, du 2 au 7 août dernier. Cette exposition co-organisée par Freezing Fog et 24 Agence s’intitule “Île – Le mutisme est notre langage commun”. Son objectif est de faire écho à notre société contemporaine où “l’isolation” est devenue un ressenti commun.
En effet, alors que le monde est de plus en plus peuplé, la solitude devient un sentiment largement répandu et partagé par les individus. Néanmoins, de façon délicate, nous sommes tout de même réunis par une force indicible. Cette exposition, qui utilise l’île comme une métaphore poétique, tente de refléter la réalité d’aujourd’hui à travers une approche critique et audacieuse. Les formes artistiques exposées y sont très diverses : la peinture, le dessin, la photographie, l’installation, l’art olfactif… Les jeunes artistes montrent leur créativité surprenante à travers des travaux innovants.
À la Galerie du Génie de Bastille, lieu principal de l’exposition, chaque création raconte une histoire unique qui entre en résonance avec l’expérience personnelle du public. La photographie de Liu Entung par exemple, créée pendant la pandémie, démultiplie le visage de l’artiste à travers les trois écrans qui remplissent notre vie : celui d’un iPhone, d’un iPad et d’un MacBook. La solitude de la jeune artiste est soulignée par son geste – elle est allongée sur un lit – et ses expressions indifférentes. Nous ne voyons que son regard, quasiment vide, à travers les duplicatas d’écrans. Cette photographie incorporant l’art de la performance est en réalité issue d’une série que la photographe a partagée sur les réseaux sociaux. Il s’agissait d’un documentaire de sa vie quotidienne pendant le confinement. Sans doute, cet épisode marquant de notre Histoire contemporaine stimule un sentiment commun chez le public.
L’œuvre olfactive de Song Yuan, intitulée L’Hiver de Wenluoting, reproduit quant à elle l’odeur, dans le souvenir de l’artiste, de ses années à l’Université de Taïwan où elle a rencontré des gens qui ont marqué sa vie. La nostalgie que cette création évoque fait allusion à la fameuse théorie de Proust, qui transforme la madeleine en un symbole de souvenir lointain. Cependant ici, la création artistique transforme l’odeur en quelque chose de plus expressif et sophistiqué. Nous sommes ainsi complices et plongés dans l’intimité de l’artiste.
Enfin, si vous êtes intéressé par l’art de l’Orient, les peintures à l’huile de Wang Jinhao sont faites pour vous. Celles-ci mettent en relief l’héritage artistique du pays natal de l’artiste. Les deux peintures issues de la série La Queue d’Oiseau sont à la fois abstraites et détaillées : elles capturent la subtilité et la légèreté de l’oiseau, un animal mythique dans la tradition chinoise, en montrant uniquement un morceau de sa queue. L’artiste reprend le motif traditionnel des contes orientaux avec la technique de peinture à l’huile venue d’Occident pour créer un contraste qui résonne avec son propre contexte culturel.
Outre les trois œuvres évoquées ci-dessus, d’autres travaux très impressionnants sont présentés à la Galerie du Génie de Bastille, qui méritent d’être découverts.
À l’Espace Sorbonne 4, où se trouve la suite de l’exposition, la peinture à l’huile Le rire rouge domine toute la pièce par son format imposant et son choix de couleur très audacieux. Cette peinture réalisée par Lu Wei, jeune artiste de 29 ans, montre une puissance explosive par sa composition qui souligne la force sauvage. On constate néanmoins une douceur féminine sous-jacente, qui rend l’œuvre plus subtile et sentimentale. Cette pièce, dont la qualité dépasse l’âge de l’artiste, donne un dynamisme ondulant à l’espace.
Les deux carrés exposés devant la vitre de l’espace sont les créations de Yang Fang, artiste appartenant à EveryArt. Sa série Je Suis Carré utilise une expression populaire de la nouvelle génération en Chine qui signifie : “Je suis embarrassé, je ne sais pas quoi faire”. Cette série de visages expressifs peints sur un carré en bois décrit la réaction des jeunes de nos jours face à de multiples situations difficiles. Ces œuvres expriment, de façon ludique et euphémique, une certaine rébellion contre les limites de la société. Si le lieu principal “île” raconte la solitude, l’isolation ou le désespoir de l’individu dans une époque chaotique, l’Espace Sorbonne 4 souligne l’esprit de révolte qui se dissimule sous l’apparence docile des jeunes asiatiques d’aujourd’hui.
Premier projet de collaboration entre Freezing Fog et 24 Agence, cette exposition a pour objectif de présenter les jeunes talents d’Asie au public européen.
Artistes participants
Anya Tong | Cai Chenglin | Cao Yi | Cong Ming | Ding Cheng | Dong Dai | Dycer | Fan Chun | Fuwai Woo | Hoiyi Joanna Wong | Huang Ting | Jiara Sha | Jin Mei | Tang Guozhi | Tian Zhilan | Le Liu | Li Chuqiao | Li Yaxuan | Lin Fangsuo | Lin Shufan | Liu Entung | Liu Tao | Liu Yufei | Long Hui | Luo Kui | Ma Dandi | Ma Leyi | Pang Hanyu | Sandy Penglan | Shao Annan | Song Yuan | Sun Kangming | Sun Yuntong | Wang Haining | Wang Jinghao | Wang Wenfeng | Wang Xiaojing | Wang Yuching | Wei Lin | Willow Lu | Yang Fang | Yang Wa | Yummy Zhu | Zhang JunPeng | Zhang Ruoyu | Zhao Xing | Zhou Bojian | Zhou Zhongrong | Zhou Ziyu | Zhu Xu
Organisateur : Freezing Fog
Freezing Fog est constitué d’une équipe artistique basée à Londres. À travers sa plateforme, Freezing Fog partage des informations liées au marché de l’art, des artistes et des créations liées à l’art contemporain.
Curateurs : 24 Agence
Cette équipe de curateurs est basée à Paris. Son objectif est de faire découvrir les artistes et les créations contemporaines au public, à travers des moyens innovants et efficaces. Par le biais de sa plateforme, 24 Agence communique des informations pratiques liées au marché de l’art, ainsi que des nouvelles expositions.
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